Conseiller en innovation : portage ou autoentreprise ?

Quand on vend de l’innovation, autant commencer par innover sur sa propre structure juridique. Et là, pour tous les consultants et conseillers en stratégie, transformation numérique, deeptech ou processus R&D, la question revient comme un mauvais brief client : faut-il opter pour le portage salarial ou la microentreprise ? On pourrait croire que la réponse est évidente — “microentreprise, c’est moins cher” — mais en réalité, c’est un peu plus subtil. Comme souvent, ça dépend du jeu qu’on veut jouer et du client qui signe le chèque.

Le consultant en innovation vend rarement du prêt-à-porter. C’est plutôt du sur-mesure, avec des enjeux lourds, parfois des NDA à rallonge et des interlocuteurs qui portent la cravate même en visio. Et souvent, ces clients ne veulent pas d’un prestataire en mode « je vous fais la facture à la mano ». Ils veulent du solide : une facture qui passe au service compta sans que le DAF fronce les sourcils. Le portage salarial permet justement de bénéficier de ce statut hybride, où vous êtes salarié d’une société de portage qui se charge de tout : facturation, cotisations, mutuelle, fiche de paie. Vous, vous faites de l’innovation. Eux, ils font de l’administration.

Pourquoi cela peut-il faire la différence ? Parce que dans certains marchés — et c’est particulièrement vrai en conseil tech ou innovation stratégique — les clients n’ont pas envie de s’encombrer avec un micro-entrepreneur qui peut, en apparence, paraître plus fragile. Ce n’est pas une vérité absolue, mais un biais fréquent : la société de portage présente mieux, rassure, et surtout, coche les cases des grands comptes qui exigent souvent une couverture en responsabilité civile bétonnée. Vous ne voulez pas expliquer à Airbus ou Total que votre RC Pro plafonne à 150 000 euros parce que vous avez pris la formule “starter” sur un comparateur en ligne.

En microentreprise, on est libre, agile, avec une comptabilité allégée et un taux de charges relativement doux… tant qu’on reste sous les plafonds. Mais avec les missions longues et les TJM élevés propres au conseil en innovation, les plafonds du régime micro (77 700 euros en services pour 2025) sont vite pulvérisés. Et là, soit vous restez dans le déni fiscal, soit vous devez basculer en entreprise individuelle au réel ou créer une EURL/SASU, avec la complexité que cela implique.

À l’inverse, le portage salarial coûte plus cher en charges sociales, certes. Mais on ne gère rien : on reçoit un bulletin de paie, on accumule des droits au chômage, on bénéficie de la retraite et de la mutuelle sans effort de gestion. C’est un package tout-en-un qui se paie… mais qui évite d’y laisser du temps de cerveau disponible, précieux quand on vend justement son expertise intellectuelle.

Un autre point rarement évoqué mais stratégique : en portage, vous êtes salarié. Et cela peut ouvrir des portes, notamment en matière d’appels d’offres publics ou privés où certaines grilles exigent un statut salarié pour éviter les risques de requalification ou de dépendance économique. Quand vous arrivez avec ce statut, vous passez sous les radars du contrôle URSSAF que vos clients redoutent parfois. Vous faites partie d’un écosystème professionnel cadré.

Il y a aussi la question de la crédibilité personnelle. Certains consultants préfèrent dire qu’ils sont indépendants, d’autres aiment annoncer qu’ils sont salariés d’un cabinet (via le portage). Ça peut sembler cosmétique, mais ça joue sur la perception : une carte de visite qui respire la structure rassure certains interlocuteurs qui ont besoin de sentir qu’ils ne font pas affaire avec un solo, même talentueux, mais avec un process industrialisé.

Enfin, la question du confort personnel : gérer sa micro, c’est prendre la main sur tout — mais aussi les galères. Fiscalité, relances, prévoyance, retraite, mutuelle : tout est à votre main, et si vous n’avez pas la rigueur d’un expert-comptable dans l’âme, ça peut vite déraper. En portage, vous externalisez le risque administratif.

Alors portage ou microentreprise ? La réponse tient à votre profil client, votre seuil de chiffre d’affaires, et votre tolérance au risque administratif. Si vous jouez dans la cour des grands, que vous facturez cher et que vos clients aiment les structures sérieuses, le portage vous permettra de bénéficier de ce statut professionnel sans ouvrir de société. Si vous préférez la liberté totale, que vos clients sont souples et que vous maîtrisez bien la gestion, la microentreprise reste séduisante.

Mais dans tous les cas, n’oubliez pas : l’innovation, c’est bien. Mais quand elle est bien facturée, c’est encore mieux.